Le commerce illégal menace la survie des espèces africaines protégées
Le commerce illégal menace la survie des espèces africaines protégées
Le braconnage et le trafic illégal d’espèces sauvages menacent gravement la survie de nombreux animaux emblématiques d’Afrique. Pangolins, éléphants, rhinocéros et hippopotames font partie des espèces les plus vulnérables, malgré leur statut d’espèces protégées.
Le pangolin, nouvelle cible des réseaux criminels
Autrefois principalement axés sur l’ivoire d’éléphant, les réseaux criminels internationaux se tournent désormais vers le pangolin. La demande croissante pour sa viande et ses écailles, auxquelles on attribue des propriétés magiques et médicinales en Asie et en Afrique, alimente un trafic transnational florissant. En 2022, la Côte d’Ivoire a saisi plus de 600 kg d’écailles de pangolins, représentant le massacre d’environ 3000 individus. Au Congo, des saisies record de 20 tonnes en 2018 et 9 tonnes en 2020 d’écailles de pangolins témoignent de l’ampleur du problème.
L’éléphant, toujours dans la ligne de mire
Malgré l’interdiction du commerce international de l’ivoire, les éléphants restent victimes du braconnage. Une opération au Togo en mars 2023 a permis la saisie de 19 défenses d’éléphants et divers objets en ivoire, illustrant la persistance de ce trafic.
Les défis de la lutte contre le braconnage
La lutte contre ce commerce illégal se heurte à plusieurs obstacles : la porosité des frontières africaines, l’application insuffisante des lois et la corruption dans certains pays fournisseurs.
Malgré les efforts de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) et des législations nationales, le trafic persiste.
Des collaborations entre organismes gouvernementaux et ONG, comme celle entre la DPFE-MINEF, UCT et EAGLE en Côte d’Ivoire, ou entre l’Office Central de Répression du Trafic Illicite de Drogue et du Blanchiment (OCRTIDB) appuyés par le Ministère de l’Environnement et des Ressources Forestières (MERF) et EAGLE-Togo, montrent des résultats encourageants dans la lutte contre ce trafic.
En effet, les agents de l’OCRTIDB appuyés par le Ministère togolais de l’Environnement et des Ressources Forestières en collaboration avec EAGLE-Togo ont procédé à l’interpellation de quatre présumés trafiquants le 10 mars 2023, au moment où ils s’apprêtaient à conclure la vente de sept grosses défenses d’éléphants. Une perquisition immédiate au lieu de stockage de ces produits illicites, a permis de saisir douze autres grosses défenses d’éléphants, dont cinq sculptées et polies, deux petites pointes d’ivoire, treize statuettes en ivoires, un collier en ivoire, deux peaux de félins dont le lion, deux mandibules qui semblent être celles d’être humain et une tête de phacochère.
Aussi, plus de 20 tonnes d’écailles de pangolins ont été saisies dans la ville portuaire de Pointe-Noire en 2018 et neuf tonnes en 2020. Selon les responsables de Last Great Ape (LAGA), une organisation non gouvernementale qui plaide pour que la législation sur les espèces sauvages y soit appliquée, ces pangolins et leurs écailles étaient passés en contrebande depuis le port de Matadi en RDC. Parmi les trafiquants arrêtés au fil des ans figurent des ressortissants congolais, maliens, libanais et chinois.
Face à cette situation, une question se pose : l’interdiction totale du commerce de produits issus d’espèces protégées contribue-t-elle réellement à leur protection ou, paradoxalement, alimente-t-elle le braconnage en créant un marché noir lucratif ?
La préservation de la biodiversité africaine nécessite une approche globale, combinant application stricte des lois, coopération internationale, et sensibilisation des populations à l’importance de ces espèces pour l’équilibre écologique du continent. Sans action concertée et efficace, ces animaux emblématiques pourraient bientôt ne plus exister que dans les livres d’histoire naturelle.
Les routes du trafic : de l’Afrique centrale à l’Asie et au Moyen-Orient
Les pangolins sont capturés par des braconniers dans leur habitat naturel. Ensuite, des groupes criminels et des acheteurs urbains leur achètent ces animaux et leurs produits. Les cartels, constitués de Camerounais et de Nigérians, acheminent les pangolins vers l’Asie par des hubs de transit majeurs comme Douala et Lagos.
Le Cameroun et le Nigeria sont cruciaux pour le transit des écailles de pangolins, tandis que certains pays d’Afrique de l’Ouest, comme le Togo, servent de plaque tournante pour l’ivoire. Les trafiquants corrompent parfois les fonctionnaires des frontières et des douanes pour faciliter le passage illégal des produits de la faune sauvage.
Les principaux marchés de destination sont en Chine, en Thaïlande, en Malaisie et au Vietnam. Une autre voie traverse le nord via le Tchad et le Soudan pour approvisionner les marchés arabes en pangolins et autres espèces en voie de disparition.
Il est essentiel non seulement d’interdire le commerce international des défenses d’éléphants et des écailles de pangolins, mais aussi de prioriser la protection des espèces sauvages menacées comme le pangolin et l’éléphant, listés comme espèces en danger critique d’extinction par la CITES. Sensibiliser les populations, accroître le financement des enquêtes sur la criminalité liée à la faune sauvage et renforcer la coopération entre les forces de l’ordre sont également essentiels pour prévenir et combattre ce type de crime.
Les partenaires internationaux doivent fournir des fonds et des formations pour développer et mettre en œuvre des politiques de lutte contre le trafic d’espèces sauvages. Ces efforts conjugués peuvent mobiliser l’engagement et la coopération nécessaires à l’échelle mondiale pour mettre fin à ce trafic. De plus, cela pourrait aider à démystifier les fausses croyances médicinales qui alimentent la demande pour ces animaux, réduisant ainsi leur commerce.
Impact alarmant sur les populations d’éléphants et de pangolins
Le problème est grave : le trafic de pangolins en Afrique a augmenté de 150 % entre 1970 et 2014 selon l’UICN, avec entre 500 000 et 2,7 millions de pangolins capturés chaque année. Les éléphants d’Afrique, eux, voient leur population décliner de manière alarmante, avec une moyenne de 80 éléphants tués par jour.
Bien que le pangolin soit intégralement protégé par la CITES depuis 2016, les écailles sont encore utilisées en Chine pour certains usages médicaux. Les éléphants africains, classés en Annexe I de la Convention depuis 1989 pour interdire totalement leur commerce, ont vu cette protection affaiblie en 1997 et 2000 dans certains pays d’Afrique australe, malgré des signes de succès dans les mesures de conservation. Pourtant, vingt ans plus tard, le trafic lucratif d’ivoire persiste et menace toujours la survie des éléphants africains.