Economie

Imposé aux distributeurs, le tilapia, très peu apprécié par la population, plonge les revendeuses dans l’endettement (témoignages)

Les femmes transformatrices et revendeuses de poissons sont à bout de souffle. Accablées par des dettes, elles risquent la faillite, incapables de rembourser les prêts contractés. En cause, une mévente massive de tilapia, un produit imposé mais boudé par les consommateurs.

À Bèniglato, un cri de détresse

A Bèniglato près du grand marché, le désarroi des femmes transformatrices de poissons est palpable. Elles dénoncent une situation insoutenable qui met en péril leur activité.

Tout remonte à avril 2018, lorsque l’État togolais a interdit l’importation, la commercialisation et la détention de tilapia et de ses dérivés pour des raisons sanitaires. Cette mesure faisait suite à une alerte de la FAO, datant du 27 mai 2017, signalant l’apparition d’un virus mortel affectant ce poisson.

Pour soutenir la production locale, il a été imposé aux importateurs de poissons très prisés, tels que les chinchards (Akpala), les maquereaux (Saloumon) et les sardines, l’achat obligatoire d’un quota de tilapia local, représentant 10 % des produits importés. Les grossistes, à leur tour, ont répercuté cette obligation sur les petits acheteurs, qui peinent à écouler ce poisson.

Tilapia frais
Tilapia

Depuis cette imposition, le prix du carton de 10 kg de tilapia, initialement vendu entre 10 000 et 11 000 FCFA, a doublé, atteignant désormais 23 000 FCFA. Cette hausse a porté un coup dur aux détaillants, déjà confrontés à une mévente chronique.

Une situation intenable pour les revendeuses

Selon les acteurs du secteur, l’achat de tilapia reste obligatoire. Aucun grossiste ou semi-grossiste ne peut se procurer d’autres poissons sans inclure les 10 % de tilapia.

Tilapia
Tilapia fumé

« On va bientôt nous enfermer à cause des dettes », se lamente Mme Essi.

Cette femme transformatrice de poisson à Béniglato n’arrive plus à faire des bénéfices sur les poissons qu’elle achète chez les semi-grossistes.

« Quand j’achète du tilapia à 10 000 FCFA, je peine à le revendre à 4 000 FCFA, soit moins de la moitié du prix d’achat. Si je refuse de le brader, il finit par pourrir. Les clients dénoncent sa mauvaise qualité et son prix exorbitant. Avant, nous achetions le kilo à 1 200 ou 1 300 FCFA. Depuis l’interdiction des importations, le prix a doublé, atteignant 2 300 FCFA. Et en plus, on nous l’impose. Chez les grossistes, pour tout achat d’autres poissons, il faut obligatoirement prendre du tilapia. Mais nous n’arrivons pas à le vendre », a-t-elle confié.

Les pertes s’accumulent, entraînant des dettes insurmontables. Une autre transformatrice témoigne : « Nos pertes quotidiennes sont inimaginables. C’est notre seule source de revenus pour nourrir nos familles, mais nous sommes acculées. En plus des poissons, nous devons acheter du bois pour le fumage, car nous évitons les cartons coûteux. Pourquoi nous impose-t-on un poisson inaccessible pour la majorité des Togolais ? »

Tilapia togolais : un poisson décrié

Au sein de la population, on pointe du doigt la mauvaise qualité de ce poisson.

 « Je n’aime pas le tilapia, il pourrit vite et n’a parfois aucun goût. Avec son prix exorbitant, je préfère acheter du Saloumon ou de l’Akpala. » Mme Rébecca, rencontrée au marché d’Adidogomé.

Les semi-grossistes, eux aussi, subissent les conséquences de cette mesure. Ils rapportent devoir jeter de grandes quantités de tilapia pourri, malgré sa conservation en congélateur.

« Vous n’imaginez pas ce que nous endurons dans ce secteur à cause de cette histoire de tilapia. Les détaillants nous accusent, comme si c’était nous qui avions instauré cette mesure. Pourtant, nous subissons également cette pression. Nous avons du Tilapia dans nos congélateurs, mais ce poisson n’est pas comme les autres. Ce poison qu’on nous impose finit par pourrir, même lorsqu’il est congelé. Nous sommes parfois contraints de jeter ce produit que nous avons acheté malgré nous. Actuellement, pour chaque achat de 100 kg de poissons, peu importe l’espèce, il est obligatoire de prendre 10 kg de tilapia, au prix d’environ 23 000 FCFA. Mais à la revente, il est impossible de récupérer cette somme. Souvent, nous sommes obligés de confier ce poisson aux femmes transformatrices pour qu’elles essaient de le vendre, mais elles n’y parviennent pas non plus. Finalement, le poisson finit par pourrir chez elles », confie un semi-grossiste.

Un appel à l’aide

Face à cette situation critique, les femmes transformatrices de poissons appellent le gouvernement à réagir. Elles plaident pour une baisse significative du prix du tilapia au Togo.

« Si rien ne change, je devrai abandonner ce métier que je pratique depuis 25 ans. Si on veut nous imposer ce poisson, il faut revoir son prix à la baisse. Même à 1 500 FCFA le kilo, nous pourrions nous en sortir », plaide une transformatrice.

Le cri de détresse de ces femmes, pilier du commerce halieutique, mérite une attention urgente pour éviter l’effondrement de tout un secteur.

Raphaël A.

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